Directive de Distribution des Assurances : de nouvelles règles de distribution et de relation client
Entrée en vigueur le 1er Octobre 2018, la Directive Européenne sur la Distribution des Assurances (DDA) aura un impact majeur sur les acteurs du secteur.
Se voulant proche de l’esprit de la MIFID 2 qui a pour objet de réguler la distribution des produits d’investissements financiers, la DDA souhaite apporter de la transparence au consommateur, de renforcer leur protection et d’instaurer des règles communes à l’ensemble des acteurs.
Par ailleurs, cette évolution réglementaire aura aussi des impacts opérationnels pour les différents acteurs du marché de l’assurance au niveau de la stratégie, du marketing et de la distribution, des ressources humaines et formations, des processus et des systèmes d’informations.
1. Un texte souhaitant l’amélioration des pratiques du marché et une meilleure protection de la clientèle
Contexte
- Besoin de transparence pour les consommateurs
- Défiance de l’opinion publique vis-à-vis des institutions financières
- Absence de règles législatives sur l’obligation de conseil des clients sur les produits d’assurance souscrits
- Nécessité de faire évoluer les dispositions de la Directive de 2002
- Volonté européenne depuis 2008 de mieux réguler les activités financières et les pratiques des différents acteurs
Objectifs
- Renforcer la protection des consommateurs européens
- Renforcer les obligations d’information, de conseil et de vigilance des distributeurs de produits d’assurance
- Encadrer la conception des produits d’assurance et leur distribution au public
- Garantir une équité entre les différents acteurs du marché
Jalons importants
- Publication au Journal Officiel Européen le 2 Février 2016
- Transposition en loi nationale le 1er Juin 2018
- Entrée en vigueur des dispositions de la Directive en France le 1er Octobre 2018 (à l’exception de celles portant sur la formation professionnelle)
- Entrée en vigueur des éléments portant sur la formation professionnelle le 23 Février 2019
2. Les acteurs concernés par la Directive
3. Les principaux articles et leurs dispositions
Article 1
- Définit le champs d’applications de la DDA
- Concerne toutes les personnes physiques et morales exerçant une activité de distribution de produits d’assurance et de réassurance à titre principal
- Impacte l’ensemble des produits d’assurance à l’exception de ceux vendus en complément d’un bien ou d’un service, dont le montant de la prime est inférieur à 600 euros et dont la durée du service n’excède pas 3 mois
Article 10
- Définit les obligations de connaissances et de formations des distributeurs de produits d’assurance
- Instaure une obligation de formation d’au moins 15 heures par an pour toute personne impliquée dans la distribution de produits d’assurance ou de réassurance
- Définit un niveau minimal d’heures de formation à mettre en adéquation avec le niveau de complexité des produits distribués
Article 14
- Définit l’obligation de mettre en place un processus de réclamation et dans lequel le distributeur se doit d’apporter une réponse au réclamant
- Instaure une nouveauté : à la fois les clients mais aussi les associations de consommateurs peuvent introduire une réclamation
Articles 17, 18, 19, 20, 27, 28, 29 & 30
- Définissent les règles liées au renforcement de la protection de la clientèle et de ses intérêts
- Introduisent des principes de primauté de l’intérêts des clients, d’obligation d’informations précontractuelles via un document unique « PID » (Product Identification Document) et d’absence de conflits d’intérêts entre les distributeurs et les clients
Article 25
- Définit les exigences nouvelles en matière de lancement de nouveaux produits par les compagnies d’assurances
- Introduit l’obligation de mise en place de politique de Gouvernance « POG » dans la conception, la distribution et la surveillance des produits avec pour ligne conductrice l’intérêt des clients
4. Des impacts sur 5 domaines d’entreprise pour les acteurs de marché
5. Les impacts pour les acteurs du marché
Stratégie
- Augmentation du risque de non-conformité : l’article 1 élargit le champs d’application des dispositions de la Directive à l’ensemble des produits d’assurance (à l’exception de ceux exclus explicitement). Les distributeurs d’assurances se doivent donc de cartographier les risques associés à l’ensemble de leur offre et de mettre en place un programme de mise en conformité.
- Redéfinition de la relation avec les différents distributeurs : les articles 19 et 28 définissent des règles claires quant à l’absence de conflits d’intérêts entre une entreprise d’assurance et ses intermédiaires distribuant ses produits. Pour ce faire, la Directive impose :
- Une vigilance supplémentaire sur les régimes d’incitations à destination des intermédiaires
- De divulguer au client les relations capitalistiques éventuelles entre des distributeurs d’assurance dès le dépassement d’un seuil de 10% de détention de droit de capital ou de votes
- D’informer le client dans le cas où le distributeur du produit d’assurance dispose d’une obligation contractuelle d’exclusivité envers une compagnie d’assurance
Ces éléments nouveaux impactent les distributeurs dans leur stratégie d’accroissement de leur réseau de distribution, dans leurs choix stratégiques d’investissement/acquisition et notamment de définition d’avantages concurrentiels de leurs produits.
Marketing & Distribution
- Mise en place d’un système de réclamation efficient : l’article 14 impose la mise en place d’un processus clair et identifié de réclamation et dans lequel une réponse doit être apportée au client. Ainsi, l’enjeu est de pouvoir avoir un système de gestion des réclamations permettant d’assurer leur traçabilité, leur suivi et d’avoir une certitude quand à leur clôture.
- Obligation du distributeur « d’émettre des recommandations personnalisées » : les articles 20 et 30 obligent les distributeurs de produits d’assurance à proposer des contrats en cohérence avec les besoins clients et d’émettre des recommandations personnalisées. En fonction de la nature du produit d’assurance, les distributeurs doivent :
- Produits d’assurance « simple » : Comprendre et analyser les objectifs des clients
- Produits d’investissement liés à l’assurance : Comprendre et analyser les objectifs, s’informer sur la situation financière du client et sa tolérance au risque
Ces éléments modifient le rôle du distributeur en intégrant une dimension de conseil et d’accompagnement.
- Refonte de la documentation d’informations sur les produits d’assurance non vie : en plus des obligations précitées, l’article 20 oblige un format unique dénommé « PID ». Ainsi le document doit comporter notamment des informations sur :
- Le type d’assurance
- Les principaux risques couverts
- Les risques exclus
- La somme assurée
- Les moyens/durées de paiements
- La durée du contrat
- Transparence sur les prix : l’article 19 instaure une réelle volonté du régulateur d’émettre des règles de transparence sur les prix payés par les clients, en mettant en lumière les frais et commissions prélevés par les intermédiaires de distribution. Ainsi, doit être transmis au client la nature de rémunération reçue (honoraires, commissions, avantages économiques …) et leur montant.
RH
- Obligation de formation du personnel impliqué dans le processus de distribution : par les dispositions prévues par l’Article 10 prévoyant un socle de formation sur les produits de minimum 15 heures annuelles, il y a lieu d’intégrer ces dispositions dans les plans annuels élaborés par les RH. Par ailleurs, selon les exigences des Etats membres, cette formation se doit d’être actée par une certification.
Processus
- Mise en place du « POG » : les dispositions de l’article 25 de la DDA imposent au concepteur de produits d’assurance de mettre un processus de « Product Approval» basé sur les éléments suivants :
- Définition d’un marché cible
- Analyse des risques liés aux produits et mise en adéquation avec leur marché cible
- Adéquation de la politique de distribution du produit par rapport au marché cible
Cette nouvelle exigence de la Directive oblige les entreprises concevant des produits d’assurance à faire évoluer le processus de développement et de lancement des nouveaux produits afin de les mettre en conformité avec la Directive.
IT
- Intégration du « PID » dans les systèmes d’information pour automatiser son édition
- Amélioration des outils de gestion de réclamation existants
- Stockage des données d’informations transmises par le client et alimentation du KYC
- Revue des formules de calcul de prix des primes d’assurances dans les outils actuels…
6. Synthèse des principaux impacts pour les acteurs du marché
Stratégie
- Révision des règles de distribution
- Encadrement des incitations destinées aux intermédiaires
- Redéfinition de la relation assureur-distributeur
- Définition de nouveaux avantages concurrentiels produits
Marketing & Distribution
- Refonte des supports de ventes produits
- Révision de la Gestion de la Relation Client (GRC) et des informations transmises et recueillies (KYC)
- Définition de nouveaux processus et argumentaire avant vente
RH et Formation
- Mise en place d’un plan de formation obligatoire
- Accompagnement des professionnels dans leur montée en compétence sur les produits
Processus
- Mise en place d’une plus forte gouvernance et supervision des règles de distribution
- Révision du processus de lancement de produits et mise en marché «POG»
IT
- Révision des méthodes de calculs des prix dans les outils
- Révision des documents de vente et de GRC destinés à la clientèle et édités par les différents outils
Auteur : Youssef Abouyoub – Consultant Senior